top of page
Tülin Özdemir, réalisatrice Belge d'origine turque, auteure en documentaire de création

Photo: Anne Ransquin

Tülin ÖZDEMIR
Auteure réalisatrice

FR

Je suis née au cœur de l'Europe dans un des creux populaires de la ville de Bruxelles, une nuit d'été caniculaire, le 30 juin 1976. Les éclats nerveux du quartier turc durant l’année scolaire et les longs mois contemplatifs des vacances d'été en Anatolie, rythmaient mon enfance entre ici et le village de Hané ma grand-mère. Cet entre-deux est le terreau poétique de mes films.

Mon adolescence fût chaotique. Un mariage précoce à 16 ans, une grossesse à 17 et une fugue toute aussi brusque, me projetaient aux marges de la société. À peine adulte, mère seule, j’ai dû faire face à la réalité du monde et reconstruire ma vie depuis un point zéro. Le mien.
 
Un film est un espace qui s’habite.

Sans transition, j’ai repris des études. Diplômée de la Haute École d'Art de Saint-Luc, j’exerçais en tant qu'architecte d’intérieur. Ce premier métier a profondément structuré mon regard. J’y ai appris à penser l’espace comme un corps vivant, à lire les volumes en creux, à regarder la lumière, à écouter ce que les murs taisent. Faire un film, pour moi, c’est construire un espace. Un lieu symbolique, poreux, traversé de mémoire, de silence.
Je conçois mes films comme des maisons ouvertes où chacun.e peut entrer avec sa propre histoire. Au-delà du récit, je cherche à créer un espace où l’on puisse séjourner un moment, entendre, ressentir, traverser. Des lieux faits de voix, de visages, de corps, de vide et de mémoire.


Des lieux narratifs vivants.


Mon regard de réalisatrice s’enracine dans ce geste initial. Le souci du cadre — hérité de l’architecture — et l’exigence d'une vérité intime — issue de l’expérience vécue — structurent mon cinéma. Je construis un film de l’intérieur à travers les récits, les silences, les corps filmés. Je m’intéresse aux trajectoires de transformation, aux fractures silencieuses, à la mémoire intime qui résiste ou réinvente.

Après l’architecture, je passais les examens d’entrée à l’INSAS. J'étudiais deux ans en section réalisation, avant de poursuivre un master en documentaire de création et anthropologie visuelle. Je fabriquais mon premier court-métrage documentaire, Notre Mariage, un film artisanal autour du mariage précoce.
Ensuite, je réalisais Au-delà de l'Ararat, un road-movie documentaire vers mes origines turques : recréer une identité vivante enracinée dans la mémoire des femmes d'Anatolie, Turques, Kurdes et Arméniennes.

Mon travail de cinéaste est traversé par la déconstruction de l’identité et de l’héritage familial, marqué par les silences de l’immigration et la violence symbolique des transmissions.

Des installations de films et de photographies ponctuent mon parcours, une autre mise en scène du regard documentaire.

Notre Mariage, Au-delà de l’Ararat et Les Lunes rousses, mon dernier long-métrage documentaire, achèvent une trilogie. Réaliser ces films depuis le giron des femmes a ouvert mon regard sur le monde des hommes.
Où sont les hommes ? Pourquoi manquent-ils à l’appel ? Qui sont les femmes aujourd’hui ? Pourquoi cette relation primordiale est-elle en souffrance ?

Le cinéma est avant tout un art de la relation. 

Réaliser un film, c’est plonger dans la peur, lever les résistances, aller dans l’inconnu. Lorsque je filme l’autre, j’accepte que le film me travaille, que la rencontre me transforme. C’est un peu mourir à soi-même à chaque film. J’incorpore de nouvelles images, je m’incarne un peu plus dans la vie, je trouve une place le temps d'un film.
C’est souvent douloureux. Jamais simple.


Mes projets en cours questionnent la relation entre les femmes et les hommes — le cœur d’une humanité possible, qui dépasse nos identités aliénées.


I was born in the heart of Europe, in one of the working-class folds of Brussels, on a sweltering summer night, June 30, 1976.
The nervous energy of the Turkish neighborhood during the school year and the long contemplative summer months in Anatolia, in my grandmother’s village of Hané, shaped my childhood between here and there. This in-between became the poetic soil of my films.

 

My teenage years were chaotic. A marriage at sixteen, a pregnancy at seventeen, and a sudden escape threw me to the margins of society. Barely an adult, single mother, I had to confront the world and rebuild my life from zero. From my own zero point.

A film is a space to inhabit.

Without pause, I went back to school. I graduated from the École Supérieure des Arts Saint-Luc and began working as an interior architect. This first profession deeply shaped the way I look at things.
It taught me to think of space as a living body, to read volumes through their silences, to observe light, to listen to what walls keep hidden.

 

I conceive my films as open houses, where anyone can enter with their own story. Beyond the narrative, I seek to create a space where one can linger for a while, listen, feel, pass through.
Places made of voices, faces, bodies, emptiness, and memory.

Narrative spaces that are alive.

My gaze as a filmmaker is rooted in that original gesture. The care for composition — inherited from architecture — and the demand for intimate truth — drawn from lived experience — form the structure of my cinema. I build a film from the inside, through stories, silences, and filmed bodies.
I’m drawn to trajectories of transformation, silent fractures, and intimate memories that resist or reinvent themselves.

 

After working in architecture, I passed the entrance exams for INSAS, the Brussels film school.
I studied directing there for two years, before continuing with a Master’s in creative documentary and visual anthropology. That’s when I created my first short documentary, Our Marriage — a handcrafted film about early marriage. Then came Beyond the Ararat, a documentary road movie into my Turkish origins: a journey to recreate a living identity rooted in the memories of Anatolian women — Turkish, Kurdish, and Armenian.

 

My work as a filmmaker is deeply woven with the deconstruction of identity and family inheritance, marked by the silences of migration and the symbolic violence of transmission.

 

Film and photography installations also punctuate my path — another way of staging the documentary gaze.

 

Our Marriage, Beyond the Ararat, and Red Moons — my latest feature-length documentary — form a trilogy. Filming from within the women’s circle has opened my eyes to the world of men.
Where are the men? Why are they absent? Who are the women today? Why is this primal relationship in pain?

Cinema is above all an art of relation.

 

Making a film means diving into fear, dissolving resistance, entering the unknown. When I film the other, I accept that the film will also work on me, and that the encounter will transform me.
Each film is a kind of death of the self. I absorb new images, I incarnate myself a little more fully in life, I find my place — for the time of a film.

It’s often painful.
Never simple.

My current projects question the relationship between women and men — the core of a possible humanity that transcends alienated identities.

EN

Un portrait en podcast Cinergie.be

Les Glaneuses

Réalisation : Sarah Semana

Ecouter le podcast

Tülin Özdemir © 2025

bottom of page